Alexandre Dumas

"Robin des Bois"

Chapitre 1

Aux premières heures d'une belle matinée du mois d'août, Robin des Bois se promène seul dans la forêt de Sherwood en chantant une ballade.

Tout à coup, une voix forte se met à chanter la même chanson.

- Par Notre Dame ! s'écrie le jeune homme, voilà qui est étrange. J'ai écrit moi-même ces paroles lorsque j'étais encore un enfant et je ne les ai apprises à personne.

Robin se cache derrière un fourré et attend. Il veut savoir qui est l'homme qui chante.

L'inconnu aperçoit à ce moment un troupeau de daims. Il prend une flèche et tue l'un d'eux.

- Bravo ! s'écrie Robin. Vous êtes très adroit.

- Qui êtes-vous ? lui demande l'inconnu.

- Mon nom n'a pas d'importance. Je suis un garde de cette forêt et je vous interdis de tuer les daims ou autres animaux qui y vivent.

- Je tuerai tous les animaux que je veux.

- Écoutez-moi: je suis le chef d'une troupe d'hommes qui vivent dans cette forêt. Si vous acceptez de faire partie de ma bande, vous pourrez chasser ; mais si vous refusez, sortez immédiatement de ce bois. Sinon, j'appelle mes hommes.

- Ne le faites pas ou je vous tue, crie l'inconnu en prenant son arc.

- Eh bien, battons-nous ! répond Robin.

- Faisons-le avec le bâton. Celui qui frappera l'autre à la tête gagnera.

- Si je gagne, dit Robin, tu feras partie de ma bande.

La lutte commence ; l'étranger n'arrive pas à toucher Robin une seule fois et il finit par jeter son bâton par terre.

- Tu es d'une force très supérieure à la mienne, dit-il à Robin. Veux-tu continuer le combat à l'épée ?

- Certainement.

Ils se battent à l'épée pendant un quart d'heure.

- Ton regard ne m'est pas inconnu, dit soudain Robin. Ta voix me rappelle la voix d'un ami... Dis-moi ton nom.

- Je m'appelle William Gamwell.

- Will ! Will ! le gentil Will Écarlate ! s'écrie Robin.

- Oui.

- Et moi, je suis Robin des Bois.

- Robin ! s'écrie le jeune homme en tombant dans ses bras. Ah ! quel bonheur ! Donne-moi vite des nouvelles de Maude.

- Elle va très bien et elle t'aime toujours. Mais il faut que je te dise... Le château et le village de Gamwell ont été détruits par les Normands.

- Détruits ! Et ma mère, Robin, et mon cher père, mes frères et mes pauvres sœurs ?

- Ils se portent tous bien, tranquillise-toi, mon cousin. Ta famille habite Barnsdale. Je te raconterai plus tard en détail ce qui s'est passé.

Robin porte son cor à ses lèvres pour appeler ses hommes. En quelques instants, une centaine d'hommes apparaissent et viennent autour de leur chef; ils sont tous vêtus de vert et armés d'arcs, de flèches et d'épées. William ouvre de grands yeux et regarde Robin d'un air stupéfait.

- Mes garçons, dit Robin à ses hommes, je vous présente une personne qui est aussi forte que moi au bâton et à l'épée; et je dois reconnaître que je n'ai pas pu le vaincre.

Petit-Jean, qui est très grand et très fort, s'avance vers l'étranger et lui dit:

- Je suis très fort au bâton. Veux-tu te battre avec moi ?

- Mon cher Petit-Jean, lui dit Robin, tu n'arriveras pas à vaincre ce brave garçon.

En entendant Robin donner le nom de Petit-Jean à son adversaire, Will se sent ému, mais il ne dit rien. Au moment où le jeune homme lève son bâton, il s'écrie:

- Comment, Petit-Jean, tu veux te battre avec Will Écarlate, avec le gentil William, comme tu avais l'habitude de m'appeler ?

- Mon Dieu ! s'exclame Petit-Jean en laissant tomber son bâton. Cette voix ! Ce regard !

- Eh bien, cette voix, c'est la mienne, cousin Jean ! crie Will. Regarde-moi, dit-il en jetant sa toque par terre et en laissant voir ses longs

cheveux roux.

Petit-Jean s'élance vers lui, l'entoure de ses bras et lui dit:

- Sois le bienvenu dans la joyeuse Angleterre, mon cher Will. Demain, les habitants de Barnsdale feront la fête et embrasseront celui qu'ils croyaient perdu.

***

Le lendemain, Robin et Petit-Jean accompagnent Will à Barnsdale, où il va y avoir une fête pour célébrer l'anniversaire de sir Guy, le père de Will.

Les trois hommes traversent la forêt gaiement en direction de Mansfeld où ils vont chercher des chevaux. Robin chante ses plus jolies ballades et Will, fou de joie, saute par-dessus les broussailles, disparaît dans les buissons et s'amuse comme un enfant.

Mais en arrivant près de Mansfeld, trois hommes habillés en forestiers leur barrent le passage. Ils sont armés de bâtons et de courtes épées.

- Qui êtes-vous ? leur demande Robin. Et que faites-vous ici ?

- Je suis le garde de cette partie de la forêt, répond un des hommes.

- Mon cher ami, répond Robin, tu me trompes; tu n'es pas le garde. Le vrai garde s'appelle Jean Cokle et c'est le gros meunier de Mansfeld.

- Je m'appelle Much et je suis son fils.

- Toi, Much ? Je ne te crois pas.

- Il dit la vérité, ajoute Petit-Jean. Je le connais de vue et c'est un homme habile pour se battre avec un bâton.

- Moi aussi je te connais, répond Much. Tu as une taille et une figure qu'il est impossible d'oublier: tu es maître Jean.

- Et moi, je suis Robin des Bois, garde Much.

- Je suis enchanté de la rencontre, Robin. Voici ma main. Je sais que tu es un noble proscrit et que tu protèges les pauvres. Mes compagnons et moi, nous serions heureux de faire partie de ta bande.

- Merci pour ces bonnes paroles, ami Much. J'accepte la proposition. Petit-Jean va vous conduire jusqu'à notre bande. Mon ami William et moi allons à Barnsdale.

***

Au château de Barnsdale, sir Guy, lady Gamwell et leurs deux filles, Winifred et Barbara, sont réunis dans la salle et ils accueillent les deux hommes avec joie.

- Mon oncle, j'ai de bonnes nouvelles à vous donner, dit Robin.

- De mon frère Will ? demande Barbara.

- Oui, ma cousine. Ce jeune homme qui m'accompagne a vu William il y a quelques jours.

Barbara regarde le jeune homme. Tout à coup, elle jette un cri, s'élance vers l'étranger et l'entoure de ses bras.

- C'est Will ! Je le reconnais. Comme je suis heureuse de te revoir, mon frère, dit-elle en appuyant la tête sur son épaule.

Lady Gamwell, Winifred et Barbara entourent le jeune homme; sir Guy tombe sur un fauteuil et se met à pleurer comme un enfant.

Robin décide de se rendre dans l'appartement de Maude, qui a une santé très délicate, pour lui annoncer le retour de son fiancé Will. Dans le couloir, il rencontre Marianne, sa propre fiancée.

- Que se passe-t-il au château, cher Robin ? Je viens d'entendre des cris qui me semblent bien joyeux.

- Ils célèbrent un retour très désiré.

- Quel retour ? demande la jeune fille d'une voix tremblante. Est-ce celui de mon frère ?

- Hélas ! non, chère Marianne, répond Robin en prenant les mains de la jeune fille. Ce n'est pas Allan qui vient d'arriver au château, mais Will...

- Je suis heureuse de savoir qu'il est de retour. Où est-il ?

- Dans les bras de sa mère. Moi, je vais annoncer son retour à Maude.

Maude reçoit Robin avec joie.

- J'ai des choses agréables à vous dire, ma chère Maude, et je suis sûr qu'elles vont vous faire plaisir.

- Vous avez entendu parler de Will ? Où est-il ?

À ce moment, Will apparaît sur le seuil de la porte. Maude pousse un cri de joie et s'élance dans ses bras.

- William ! Mon cher William ! Comme je suis heureuse de vous voir.

- J'ai besoin de parler à Marianne, dit Robin en riant. Je vous laisse.

- Je vous aime, Maude, dit William. Marions-nous dès demain. C'est l'anniversaire de mon père et ma mère veut célébrer mon retour. La fête sera complète si c'est aussi le jour de notre mariage.

***

Le lendemain, tout est prêt pour le mariage et les invités arrivent nombreux; Maude attend dans le salon la venue de William. Mais William ne vient pas.

Robin des Bois et les serviteurs de sir Guy partent à cheval et

cherchent le jeune homme dans les bois environnants.

À minuit, toute la famille en pleurs entoure Maude qui ne se sent pas bien: William a disparu.

Chapitre 2

Le baron Fitz Alwine, qui est le shérif de Nottingham, vit dans son château avec sa fille, la charmante lady Christabel.

Quelques jours avant la disparition de Will, le baron se trouve dans un salon de son appartement, en face d'un petit vieillard magnifiquement vêtu: sir Tristram de Goldborough.

- Donnez-moi un million, et ma fille sera votre femme dès demain.

À ce moment, un serviteur vient annoncer l'arrivée d'un messager du roi.

Le courrier apprend au baron qu'un soldat, qui a tué le capitaine de son régiment, se trouve sur ses terres et il lui demande de le faire prisonnier et de le pendre.

Trois jours plus tard, le soldat poursuivi est fait prisonnier et enfermé dans un donjon du château de Nottingham. Il s'agit de Will.

***

Robin retourne dans la forêt, espérant avoir des nouvelles de Will par ses hommes. En chemin, il rencontre Much, le fils du meunier.

En le voyant, Much pousse un cri de joie.

- Je suis heureux de te rencontrer, Robin. J'allais à Barnsdale car j'ai des nouvelles de ton ami William: il est prisonnier au château de Nottingham.

Les deux hommes partent ensemble dans la forêt. Robin demande à Petit-Jean de réunir ses hommes, de les emmener à la lisière du bois qui borde le château de Nottingham et d'être prêts à se battre. Puis, toujours accompagné de Much, il reprend le chemin de Nottingham.

En arrivant près de la ville, Robin demande à Much d'aller chercher Halbert Lindsay, le frère de lait de Maude.

Resté seul, Robin surveille la route. Il voit bientôt venir un jeune cavalier richement vêtu.

- Soyez le bienvenu, gentil cavalier, dit Robin en se plaçant devant le voyageur.

- Vous appartenez à la bande de Robin des Bois, n'est-ce pas ?

demande le cavalier. Je vais à Sherwood pour rencontrer votre chef.

- Et si je vous dis que vous êtes en présence de Robin des Bois ?

- Ami Robin, avez-vous oublié le frère de Marianne ? répond l'inconnu en lui tendant la main.

- Allan Clare ! Je suis heureux de vous voir ! s'écrie chaleureusement Robin en serrant la main du jeune homme.

- Comment va ma chère sœur ?

- Sa santé est parfaite et sa seule peine est d'être séparée de vous.

- Vous savez, Robin, j'ai rendu un grand service au roi de France et il a voulu me remercier. Je lui ai appris que mes biens avaient été confisqués par les Normands et je lui ai demandé de me permettre de rentrer en Angleterre. Il m'a donné une lettre pour Henri II et le roi m'a rendu les biens de mon père. J'ai aussi une forte somme d'argent que je vais remettre entre les mains du baron Fitz Alwine pour obtenir ainsi la main de sa fille, ma chère Christabel.

- Je connais l'accord que vous avez passé avec sir Fitz Alwine, répond Robin. Les sept années que vous a accordées le baron pour revenir riche se terminent demain, n'est-ce pas ? Méfiez-vous de lui, il ne vous aime pas. Si vous avez besoin d'aide, vous pouvez compter sur moi et sur mes hommes, mon cher Allan.

- Merci mille fois, cher Robin. Je vais me présenter au château aujourd'hui même.

- Ah ! voilà mon compagnon Much qui revient. Il est accompagné d'Halbert.

- Will a été conduit au château de Nottingham, dit Halbert. Si vous voulez essayer de le sauver, Robin, il faut le faire tout de suite. Un moine pèlerin a été appelé au château pour le confesser.

- Sainte mère de Dieu, ayez pitié de nous ! s'écrie Robin. Mon pauvre Will est en danger de mort ! Il faut le sauver ! Vous avez d'autres nouvelles, Halbert ?

- J'ai appris que lady Christabel va épouser, à la fin de la semaine, le plus riche Normand de toute l'Angleterre, sir Tristram de Goldborough, et l'on fait au château de grands préparatifs pour célébrer ce joyeux événement.

- Lady Christabel ne peut pas devenir la femme de ce hideux vieillard ! s'écrie le chevalier. La fille du baron Fitz Alwine est ma fiancée et tant que je vivrai, personne d'autre que moi ne sera son mari.

- Nous allons nous rendre tous les quatre au château, propose Robin,

et nous enlèverons lady Christabel.

Au moment où les quatre jeunes gens arrivent devant le château, un vieillard revêtu du costume des pèlerins en sort.

- Voici le confesseur appelé par le baron pour le pauvre Will, dit Halbert.

Robin s'approche du pèlerin et lui dit:

- Je connais ce pauvre garçon qui est condamné, mon père, et je l'aime beaucoup. Savez-vous quand et comment il doit mourir ?

- Demain matin sur la place de la ville. Et je serai à son côté pour l'aider à mourir.

- Avant de le rejoindre sur la place, demain matin, venez me voir, mon père. J'ai quelque chose à dire à ce pauvre homme et vous serez mon messager.

Robin, Halbert et Much retournent dans la ville pendant qu'Allan entre au château.

***

- Je suis exact au rendez-vous que vous m'avez donné, Fitz Alwine, dit Allan Clare au baron, et je remplis toutes les conditions: je suis à nouveau en possession de mes biens, je possède cent mille pièces d'or et je viens vous demander la main de lady Christabel. J'ai vécu toutes ces années à la cour du roi de France et j'ai appris certaines choses: je sais le nom des misérables Anglais qui ont offert de livrer leur patrie à l'étranger. Tenez votre promesse, milord, et j'oublierai que vous avez été félon envers votre roi.

- Si vous venez demain, vous épouserez ma fille. Mais si pour une raison quelconque vous ne pouvez pas venir, le contrat sera nul.

Allan sort du château, le cœur rempli d'inquiétude. Après le départ d'Allan Clare, le baron fait appeler Pierre le Noir, un de ses hommes.

- Pierre, lui dit-il, un cavalier élégamment vêtu d'un habit rouge vient de sortir d'ici; suivez-le et faites que je ne le revoie jamais. Vous avez compris ?

Accompagné de deux hommes, Pierre le Noir sort du château et attire Allan dans les taillis.

- Nous voulons ta vie ! crie-t-il au jeune homme.

Allan blesse les deux hommes qui accompagnent Pierre le Noir mais celui-ci frappe le chevalier sur la tête ; Allan tombe, évanoui.

- Retournez au château, vous deux ! Je vais l'achever et l'enterrer ici.

Mais après le départ des deux hommes, Pierre reçoit un coup de bâton sur la tête et tombe, mort. Celui qui vient de le frapper, et donc de sauver Allan, est un moine. Il s'appelle Tuck et c'est un homme de la bande de Robin des Bois.

***

Le matin de son exécution, Will arrive sur la place de la ville et regarde autour de lui. Une voix secrète lui dit que Robin va venir.

Au moment où le bourreau va faire son travail, le pèlerin s'approche de lord Fitz Alwine et lui dit:

- Je veux donner une dernière bénédiction à cet homme.

- Faites vite, lui répond le baron.

- Soldats, éloignez-vous, dit le pèlerin, qui en réalité est Robin des Bois. Prenez l'épée qui est sous ma robe, Will. Milord, crie-t-il ensuite, en se faisant reconnaître, William Gamwell est un de mes hommes et je suis venu le chercher. En échange, je vous donne le corps de celui que vous avez envoyé pour tuer le chevalier Allan Clare.

- Cinq cents pièces d'or à celui qui arrêtera ce bandit ! hurle le baron.

Robin sonne du cor et, au même instant, une nombreuse troupe de forestiers sort du bois, les mains armées.

Effrayé, le baron s'enfuit. Les habitants de Nottingham disparaissent aussitôt et les soldats en font autant.

Chapitre 3

Au château de Barnsdale, la tristesse est grande et tous pleurent la disparition de Will.

- Voici Robin ! crie soudain Marianne en entendant le son d'un cor.

Elle s'élance vers une fenêtre et ajoute:

- Et il est avec Will et un autre jeune homme !

Maude se jette dans les bras de Will et Marianne dans ceux du jeune homme car elle vient de reconnaître son frère Allan.

- Mon cher frère, dit Marianne, Robin a été si bon et si généreux avec nous tous... Il m'aime, je l'aime et je lui ai promis de l'épouser. Nous attendions ton retour pour le faire.

Allan prend la main de sa sœur et la place en souriant entre les mains de Robin.

- Cher Robin, je vous donne la main de ma sœur avec joie.

William prend Maude par le cou et l'embrasse.

- Maude et moi, nous nous marierons en même temps que vous ! dit-il à Robin.

- Et moi, j'espère épouser lady Christabel le même jour que vous ! dit Allan.

***

À l'abbaye de Linton, tout est prêt pour le mariage de lady Christabel avec le vieux sir Tristram.

Quelques minutes avant l'arrivée des futurs mariés, un joueur de harpe s'approche de l'évêque et lui propose de jouer pendant la cérémonie. L'évêque accepte.

Le baron, accompagné de sa fille, arrive devant l'église lorsqu'une voix forte crie:

- Arrêtez !

Lord Fitz Alvvine pousse un cri en reconnaissant le joueur:

- Robin des Bois !

Au même moment, un jeune cavalier élégamment vêtu tombe aux genoux de lady Christabel.

- Mon cher Allan ! s'écrie la jeune fille en le reconnaissant. Vous ne m'avez donc pas oubliée !

- Monseigneur, dit Robin en s'approchant de l'évêque, lady Christabel et le chevalier Allan Clare sont fiancés depuis de nombreuses années. Voulez-vous les marier ?

- Je ne peux pas le faire sans le consentement de lord Fitz Alwine.

- Je ne donnerai jamais ce consentement ! crie le baron.

- Ce n'est pas un problème car je suis accompagné par un saint homme qui a le droit d'officier, répond Robin.

Et le pèlerin, qui est l'homme qui a sauvé Will dans la forêt, s'avance dans l'église et marie les deux jeunes gens.

Robin prend la main de Marianne et la conduit au pied de l'autel. Will et Maude les suivent et Tuck bénit également ces deux nouveaux couples.

***

Marianne et Maude ont décidé de vivre avec leur mari dans la forêt de Sherwood et les deux couples mènent une existence douce et tranquille.

Un matin, Robin des Bois, Will et Petit-Jean se trouvent réunis sous un chêne, appelé l'arbre du Rendez-Vous, lorsqu'ils voient venir un homme

à cheval.

- Bonjour, messire, lui dit Petit-Jean. Soyez le bienvenu dans la forêt de Sherwood. Robin des Bois vous attend et est heureux de vous inviter à sa table.

- Robin des Bois ? Le célèbre proscrit ? Je serais heureux de le rencontrer, répond le voyageur.

Un repas délicieux est servi et l'étranger, qui a un aspect triste et pauvre, mange avec appétit.

Mais Robin a du mal à croire que cet homme est vraiment pauvre. Il pense qu'il veut surtout protéger sa bourse.

- Permettez-moi, Robin des Bois, de vous remercier de tout mon cœur pour votre réception. Si vous passez un jour près de l'abbaye de Sainte-Marie, je vous recevrai avec plaisir au château de la Plaine.

- Chevalier, lui répond Robin, cette forêt est une auberge, je suis l'hôtelier et mes hommes sont les serviteurs. Vous devez payer ce que vous avez reçu.

Le chevalier se met à rire.

- Mon cher hôte, je n'ai pour toute fortune que dix pistoles. Vos compagnons peuvent s'assurer, par une visite de mes vêtements, de cette cruelle vérité.

Petit-Jean le fouille aussitôt.

- Il dit la vérité, Robin.

- Je m'appelle Richard, dit l'étranger, et ma famille descend du roi Ethelred.

- Vous êtes saxon, alors ! s'exclame Robin. Permettez-moi de vous serrer la main. Les Saxons, riches ou pauvres, sont toujours les bienvenus dans la forêt de Sherwood. Et gratuitement, ajoute-t-il en souriant.

- Je me suis marié très jeune à une femme que j'aimais depuis toujours et nous avons eu un fils: Herbert. Notre château, comme je vous l'ai dit, est à côté de l'abbaye de Sainte-Marie, et un frère de cette abbaye m'a confié un jour une pauvre orpheline sans fortune. J'ai élevé cette enfant, qui s'appelle Lilas, comme ma propre fille. Lilas et Herbert ont grandi ensemble et j'ai bientôt compris qu'ils s'aimaient passionnément. Nous les avons fiancés. Peu de temps avant le mariage, un chevalier normand est venu à l'abbaye. Lilas était très belle et le chevalier a voulu l'épouser. Mais Lilas a refusé car elle aimait mon fils. Alors le Normand est parti en jurant de se venger et, deux jours plus tard, il a enlevé Lilas.

Herbert l'a suivi; il s'est battu avec lui pour sauver sa fiancée, et il l'a tué. Pour sauver mon fils, j'ai payé au roi une rançon considérable: j'ai donné tout mon argent, j'ai vendu mes meubles... Mais il me manquait encore quatre cents écus d'or. L'abbé de Sainte-Marie a accepté de me les prêter: j'ai signé un papier lui promettant de lui rendre cet argent avant un an, sinon mon château et mes terres seraient à lui. Ce jour approche et je n'ai que dix pistoles... Je suis bien malheureux ! J'ai demandé l'aide de ceux qui se disaient mes amis lorsque j'étais riche, mais je n'ai rien obtenu. Je n'ai plus d'amis, Robin.

- Je vais vous prêter les quatre cents écus dont vous avez besoin.

- Vous, Robin ! Ah, merci, merci ! Je vous rendrai cette somme, je vous le jure.

- Petit-Jean, va me chercher quatre cents écus; et toi, Will, regarde si tu trouves un costume digne de ce chevalier.

- Seigneur chevalier, dit Will, voilà votre argent.

- Mais il y a six cents écus, mon ami.

- Vous vous trompez, il y en a quatre cents, dit Robin en riant. Quelle importance !

- Dans un an, jour pour jour, je viendrai sous cet arbre pour vous rendre cet argent, Robin. Vous sauvez plus que ma vie, vous sauvez ma femme et mes enfants.

- Messire, répond Robin, vous êtes saxon, et ce titre vous donne droit à toute mon amitié. Si je vole les riches, je ne prends rien aux pauvres et je les aide lorsque je peux. Je déteste la violence, j'aime ma patrie et je hais la race normande parce qu'elle tyrannise les Saxons. Ne me remerciez pas.

- Adieu, Robin des Bois.

- Au revoir, mon ami, répond Robin en lui serrant la main.

En voyant partir le chevalier, Robin dit à ses compagnons:

- Nous avons fait un homme heureux ; la journée a été bien remplie.

Chapitre 4

Un matin, Robin des Bois, Petit-Jean et Will Écarlate se trouvent entourés d'une centaine de leurs hommes sous les grands arbres de la forêt de Barnsdale lorsqu'un jeune garçon, nommé George, s'approche de Robin.

- Je vous apporte une bonne nouvelle: l'évêque d'Hereford,

accompagné par vingt serviteurs, doit traverser aujourd'hui la forêt vers deux heures.

- Je vais rester sur le chemin principal, dit Robin. Will, Petit-Jean et Much, prenez chacun avec vous vingt hommes et allez garder les chemins alentour. Comme cela, l'évêque ne pourra pas s'enfuir. Je veux l'inviter à un festin de roi. George ! Tue un daim et un chevreuil bien gras et fais-les tourner à la broche.

Puis Robin ordonne à ses hommes de s'habiller comme des bergers.

Vers deux heures, l'évêque apparaît. En voyant la broche qui tourne, il laisse échapper une exclamation de colère.

- Les bêtes de cette forêt appartiennent au roi et il est interdit de braconner. Pour qui est ce magnifique festin ?

- Pour nous, Monseigneur, répond Robin en riant. Nous sommes de simples bergers, mais aujourd'hui nous avons voulu nous reposer et nous amuser un peu. C'est pourquoi nous avons tué ces deux bêtes que nous allons manger. Si vous voulez prendre ce repas avec nous...

- Vous ne savez donc pas qu'il est interdit de tuer le gibier de cette forêt et que ce que vous avez fait est puni par la peine de mort ? Suivez-moi ! Vous serez pendus !

- Pardon, Monseigneur, mille fois pardon. Nous avons des femmes, des enfants, ayez pitié de nous !

- Vos femmes et vos enfants ne m'intéressent pas, répond cruellement l'évêque. Saisissez ces hommes ! dit-il à ses soldats.

- N'approchez pas ! crie Robin.

Il sonne du cor et les différentes parties de sa troupe apparaissent.

L'évêque est muet de terreur en reconnaissant qu'il est tombé entre les mains de Robin des Bois.

- Monseigneur, vous vous êtes montré sans pitié. Préparez-vous à mourir !

- Ayez pitié de moi ! supplie l'évêque en joignant les mains.

- Monseigneur, veuillez me suivre.

Robin emmène l'évêque près de l'arbre du Rendez-Vous et le fait asseoir.

- Avant tout, vous allez me faire le plaisir de partager mon repas.

À la fin du repas, Robin dit à l'évêque:

- Monseigneur, vous êtes ici dans une auberge; je suis le maître et tous ces hommes sont mes serviteurs.

Puis il appelle Petit-Jean:

- Donne la note à Monseigneur.

- Dites-moi où vous mettez votre argent, Monseigneur, lui demande Petit-Jean ; je me paierai moi-même.

- Insolent ! crie l'évêque en lui montrant un petit sac de cuir.

- Mon cher Robin, dit Petit-Jean en vidant le sac, le noble évêque est vraiment très généreux car il vient de nous enrichir de trois cents pièces d'or. Vous pouvez partir, Monseigneur.

Le lendemain de son arrivée à l'abbaye de Sainte-Marie, l'évêque fait armer cinquante hommes car il veut se venger de Robin.

Ce jour-là, Robin se promène seul dans la forêt lorsqu'il se retrouve face à cette petite armée.

- Robin des Bois, crie l'évêque, rendez-vous !

Mais Robin s'échappe vers une petite maison située tout près, dans une clairière. La porte est ouverte et il entre.

- N'ayez pas peur, dit-il à la vieille femme qui l'habite. Je ne suis pas un voleur. Je suis Robin des Bois et l'évêque d'Hereford me poursuit car il veut me tuer.

- Quoi ! Vous êtes Robin des Bois ! dit la vieille femme en joignant les mains. Le bon et généreux Robin des Bois ! Comme je suis heureuse de pouvoir vous aider ! Il y a deux ans, j'étais seule, pauvre et malade et vous m'avez sauvée; vous m'avez donné de la nourriture, des vêtements et de l'argent. Que puis-je faire pour vous aider ?

- Vous allez mettre mes vêtements et moi je mettrai les vôtres. Lorsque l'évêque entrera, faites semblant d'être ivre; il sera tellement pressé de me faire prisonnier qu'il ne verra que le costume.

L'échange de vêtements est terminé lorsque les soldats entrent dans la maison. Ils font prisonnier celui qu'ils croient être Robin des Bois et l'évêque leur ordonne d'aller le pendre à l'arbre du Rendez-Vous des hors-la-loi.

Robin sort de la maison derrière eux et part en courant vers l'arbre. Il rencontre Petit-Jean, Will et Much et leur raconte ce qui vient de lui arriver.

- Apportez-moi un costume convenable et réunissez autour de l'arbre du Rendez-Vous tous les hommes que vous trouverez. Dépêchez-vous, mes garçons !

Une heure plus tard, Robin est assis au pied de l'arbre et presque cent de ses hommes sont cachés près de lui derrière les arbres. L'évêque

arrive, accompagné de ses soldats. À ce moment, tous les hommes de Robin apparaissent et l'évêque jette autour de lui un regard épouvanté. Il se rend compte qu'il est tombé dans un piège.

- Détachez cette pauvre femme que vous avez confondue avec moi ! dit Robin aux soldats de l'évêque. Brave femme, je t'enverrai demain la récompense de ta bonne action. Quant à vous, Monseigneur, je vous remercie de votre visite ! Je vais vous rendre votre liberté, mais à une condition: vous devez jurer de respecter mon indépendance, la liberté de mes hommes et de ne jamais essayer de me tuer.

- Je jure par Saint Paul de vous laisser vivre à votre guise.

- En attendant l'heure du départ, voulez-vous accepter à boire ou à manger ?

- Rien, je ne veux rien, répond l'évêque, qui ne veut rien payer...

- Petit-Jean, Sa Seigneurie veut nous quitter. Donne-lui sa note.

- Ma note ? demande l'évêque d'un ton surpris. Mais je n'ai rien bu ni mangé...

- Oui, mais vos hommes ont faim et ils veulent manger; et puis nous nous sommes déjà occupés de vos chevaux...

- Prenez ce que vous voudrez et laissez-moi partir.

- Cinq cents pièces d'or ! dit Petit-Jean en comptant l'argent que contient le petit sac de cuir de l'évêque. Vous êtes vraiment très généreux avec nous !

Chapitre 5

Petit-Jean, Will et Robin se promènent un jour dans la forêt lorsqu'ils aperçoivent une jeune fille en pleurs.

- Que fais-tu dans la forêt, mon enfant ? lui demande Robin.

- Je veux voir Robin des Bois. Conduisez-moi auprès de lui, dit-elle en éclatant en sanglots.

- Je suis Robin des Bois. Que veux-tu ?

- Ah, Robin, je suis très malheureuse. Mes trois frères, Adalbert, Edelbert et Edroin, qui font partie de votre bande, ont été faits prisonniers par le shérif de Nottingham et ils doivent être pendus aujourd'hui.

- Ne pleure plus, mon enfant, nous allons sauver tes frères.

La jeune fille remercie Robin et repart chez elle.

- Je vais aller à Nottingham, dit Robin à ses deux amis. Il y a peut-être une façon de retarder l'exécution.

En chemin, il rencontre un pèlerin.

- Quelles sont les nouvelles de la ville ? lui demande Robin.

- Trois hommes doivent être pendus par ordre du shérif.

- Mon père, je désire assister à cette exécution mais je ne veux pas que les gardes me reconnaissent. Voulez-vous échanger vos vêtements contre les miens ? Si vous acceptez, je vous donnerai de l'argent.

Les deux hommes échangent leurs vêtements et Robin arrive dans la ville de Nottingham habillé en pèlerin.

Tout à coup, une nouvelle inattendue circule dans la foule: le bourreau est malade et on demande un homme pour le remplacer. Robin s'approche du shérif et lui dit:

- Noble shérif, que me donnerez-vous si je remplace le bourreau ?

- Je te ferai donner six vêtements neufs et quelques pièces d'argent.

- Je ne veux pas me salir les mains en tuant trois innocents. Mais je vais appeler des gens qui, à mon commandement, vous délivreront pour toujours de la vue de ces trois hommes.

Robin fait sonner son cor et prend à deux mains le baron épouvanté.

- Monseigneur, votre vie dépend d'un geste. Dites à vos gardes de partir sinon je vous enfonce mon couteau dans le cœur.

- Que veux-tu, pèlerin ? demande le baron.

- La vie de ces hommes que vous voulez pendre.

À ce moment, les hommes de Robin arrivent. Le baron reconnaît alors Robin des Bois.

- Emmenez les prisonniers, dit le shérif à Robin.

Et il s'éloigne rapidement.

***

Une année entière s'est écoulée depuis le jour où Robin des Bois a porté secours à sir Richard de la Plaine et Robin attend le chevalier en compagnie de Will, Petit-Jean et Much. Mais l'heure du rendez-vous passe et le chevalier n'apparaît pas.

- Je l'attendrai jusqu'à la tombée de la nuit, dit Robin à ses amis. Allez vous promener sur le chemin qui mène à l'abbaye de Sainte-Marie. Peut-être que vous rencontrerez sir Richard.

- J'entends les pas d'un cheval, dit Will. Arrêtons-nous.

- Je vais à la rencontre du voyageur, crie Much.

- Si c'est sir Richard, appelle-nous, dit Jean.

- Ce n'est pas le chevalier, dit-il en revenant auprès de ses amis, mais deux moines accompagnés de soldats.

- S'ils sont accompagnés, c'est qu'ils ont beaucoup d'argent, dit Petit-Jean. Il faut les inviter à partager le repas de Robin.

Les voyageurs arrivent près des forestiers.

- Ne bougez pas, mes pères, crie Petit-Jean, sinon je vous tue. Mon maître vous attend.

- Qui est votre maître ?

- Robin des Bois, répond Petit-Jean.

En entendant ce nom, les moines suivent Petit-Jean en jetant autour d'eux des regards pleins de frayeur.

En voyant arriver la petite troupe, Robin salue les moines affectueusement.

- Vous devez avoir faim; mettez-vous à table et mangez autant que vous voulez. Où est située votre abbaye ?

- Nous venons de l'abbaye Sainte-Marie, répond le moine le plus vieux.

- Mon père, j'ai prêté, il y a un an, une somme d'argent à un ami de votre prieur. Vous venez sans doute me rendre en son nom l'argent que je lui ai donné.

- Je ne sais rien de tout cela et je ne vous apporte pas d'argent, répond le moine.

- Vous vous trompez, mon père. Combien avez-vous de pièces d'or dans cette jolie petite malle en cuir que vous transportez ?

- Je ne possède qu'une vingtaine de pièces d'or, messire.

- Si vous dites la vérité, mon père, répond Robin, je ne vous prendrai rien, mais si vous avez menti, je prendrai tout, jusqu'à la dernière petite pièce. Ouvre le coffre, Petit-Jean, et dis-moi combien de pièces d'or il contient.

- Il y a huit cents pièces d'or, Robin.

- Laissez-moi cet argent, pleure le père. Il ne m'appartient pas. Que vais-je dire au prieur de l'abbaye ?

- Dites-lui bonjour de ma part, répond Robin en riant.

Les deux moines remontent à cheval et repartent vers l'abbaye.

- Mon noble maître, crie alors un homme de Robin, un chevalier, accompagné d'une centaine d'hommes armés, vient dans cette direction.

- Prenez vos arcs et vos flèches et cachez-vous ; mais ne tirez pas avant de recevoir mon ordre, leur dit Robin. Moi, je vais les attendre ici.

Petit-Jean et Will décident de rester avec Robin.

Les cavaliers s'approchent rapidement.

- C'est sir Richard, crie alors Petit-Jean d'une voix joyeuse.

Sir Richard descend de son cheval et se jette dans les bras de Robin.

- Que Dieu te garde, Robin.

- Sois le bienvenu dans la forêt, chevalier, répond Robin, ému. Je suis heureux de te voir fidèle à ta promesse.

- Je serais venu même les mains vides, Robin. Heureusement, je peux te rendre l'argent que tu m'as prêté. Je t'apporte cinq cents pièces d'or, une centaine d'arcs, autant de flèches et, de plus, je te fais cadeau de la troupe d'hommes qui m'accompagne. Accepte-les, ils te serviront avec reconnaissance et fidélité.

- Je ne peux pas recevoir l'argent que tu m'apportes, répond Robin. Un moine de l'abbaye a déjeuné avec moi ce matin et m'a donné huit cents pièces d'or. Je ne reçois jamais de l'argent deux fois le même jour. Tu as droit à toute mon amitié et si un jour tu as besoin de moi, viens me trouver; mon bras et mon argent sont à ta disposition.

Chapitre 6

Le baron Fitz Alwine, qui veut absolument se débarrasser de Robin des Bois, a l'idée d'annoncer un concours au jeu à l'arc. Il sait que Robin des Bois voudra venir pour participer et qu'il pourra l'arrêter plus facilement.

Dès que la nouvelle arrive aux oreilles de Robin, celui-ci décide de participer au concours. Mais comme il sait aussi que le shérif fera tout pour l'arrêter, il emmène avec lui cent quarante compagnons qui vont se mêler à la foule et qui seront prêts à se réunir au premier appel de leur chef.

Robin des Bois, Petit-Jean, Will Écarlate, Much et cinq autres hommes doivent participer au concours.

Le shérif apparaît bientôt, accompagné par des soldats.

Le concours commence. Le baron surveille attentivement les archers, cherchant à reconnaître Robin des Bois.

Robin des Bois triomphe de tous ses adversaires.

- Place au vainqueur ! Hourra pour l'habile archer ! crient deux cents

voix.

Robin des Bois, le front modestement baissé, se tient devant lord Fitz Alwine dans une attitude respectueuse et reçoit la récompense.

À ce moment, le baron le reconnaît et crie:

- Arrêtez-le ! Soldats, faites votre devoir ! Cet homme est Robin des Bois, emparez-vous de lui !

Robin sonne du cor et ses hommes s'approchent pour le protéger.

La petite troupe s'enfuit, suivie par les hommes du shérif. Pendant une heure, les deux troupes échangent des flèches. Soudain, Petit-Jean, qui marche avec Robin à la tête des forestiers, s'arrête brusquement et dit à Robin:

- Mon cher ami, mon heure est arrivée; je suis gravement blessé, j'ai perdu beaucoup de sang et je ne peux plus marcher. Abandonne-moi.

- T'abandonner, moi ! Jamais ! lui répond Robin.

- Je vais le prendre sur mes épaules et le porter, dit Much en s'avançant.

Et ils continuent ainsi. Soudain, les forestiers aperçoivent les tours d'un château.

- À qui peut bien appartenir ce domaine ? demande Robin. Si les portes de ce château nous restent fermées, nous sommes perdus !

- Nous serons bien accueillis, répond un soldat, car ce château appartient à sir Richard de la Plaine.

- Nous sommes sauvés ! s'écrie Robin. Will, dis au gardien du pont-levis: que Robin des Bois et une partie de ses hommes, poursuivis par les Normands, demandent à sir Richard la permission d'entrer dans son château.

Un cavalier sort bientôt du château et se dirige vers Robin des Bois.

- Messire, dit le jeune homme en lui serrant les mains, je suis Herbert Gower, le fils de sir Richard. Vous êtes les bienvenus dans notre château !

- Je vous remercie, mon jeune ami. Ma troupe est épuisée de fatigue, le plus cher de mes compagnons est gravement blessé et depuis plus de deux heures nous sommes poursuivis par les soldats du baron Fitz Alwine.

- Le pont-levis est déjà baissé; dépêchons-nous, dit Herbert. Une fois dans le château, vous n'aurez plus rien à craindre.

Le shérif et ses hommes arrivent devant le château au moment même où le pont-levis finit de se refermer sur les troupes de Robin. Exaspéré

par cette nouvelle défaite, lord Fitz Alwine décide d'aller trouver le roi et de lui demander son aide.

***

- Merci, chevalier, dit Robin à sir Richard. Tu me sauves aujourd'hui d'un véritable danger. Je t'ai amené un blessé; c'est Petit-Jean, le plus cher et le plus fidèle de mes compagnons.

- Il est depuis un moment entre les mains d'un habile médecin, dit Herbert. Il a nettoyé la blessure et promis au malade qu'il sera bientôt guéri.

- Mon cher Robin, lui dit sir Richard, tu seras ici en sûreté tant que cette maison pourra te protéger.

***

Dès le lendemain de son retour à Nottingham, le baron Fitz Alwine se rend à Londres pour voir le roi et lui raconter, à sa manière, ce qui s'est passé.

- Le chevalier Richard Gower de la Plaine a accueilli chez lui le proscrit Robin des Bois et il a refusé de me livrer le coupable lorsque que je le lui ai demandé au nom du roi. Il a même osé dire qu'il était le roi de ses domaines et que la puissance de Votre Majesté lui importait peu.

- Dans quinze jours nous serons à Nottingham. Emmenez avec vous autant de soldats que vous voudrez, baron; et emparez-vous de ce Robin des Bois et du chevalier Richard.

Le baron rassemble une nombreuse troupe d'hommes et arrive devant le château de sir Richard le lendemain du départ de Robin. N'osant pas poursuivre Robin dans la forêt, il s'empare de sir Richard et de son fils.

Un serviteur de sir Richard, qui a tout vu, va annoncer la triste nouvelle à sa maîtresse qui décide aussitôt d'aller chercher l'aide de Robin des Bois.

- Robin, dit-elle en sanglotant, sauvez mon mari et mon fils qui ont été enlevés par votre ennemi, le shérif de Nottingham.

- N'ayez pas peur, madame, lui répond Robin, et rentrez au château. Votre mari est chevalier et il ne peut dépendre que de la justice du roi. Le baron Fitz Alwine n'a aucune autorité pour tuer un noble saxon.

Robin se met à la tête de sa troupe et, accompagné de Petit-Jean, de Will et de Much, il s'élance à la poursuite du shérif. Il rejoint bientôt les soldats normands et la lutte devient furieuse. Pour sauver la vie de Herbert, qui est un jeune homme courageux mais imprudent, un homme de Robin vise le baron et lui transperce le cou d'une flèche.

La mort de lord Fitz Alwine oblige les Normands à abandonner la bataille.

- Sir Richard, dit Robin, voilà une triste journée. Je vous ai arraché à la mort mais je suis la cause de votre malheur; le roi sera sans pitié car nous nous sommes attaqués à ses soldats. Vous serez banni et votre château deviendra la propriété d'un Normand.

- Mon cher Robin, répond sir Richard, ma femme et mes enfants vivent et tu es mon ami. Je n'ai rien à regretter.

- Quittez votre château et venez avec moi dans la forêt. Vous serez en sécurité sous la garde de mes hommes.

Chapitre 7

Trois années de calme suivent les événements que nous venons de raconter. À la mort du roi Henri II, son fils Richard, plus connu sous le nom de Richard Cœur de Lion, monte sur le trône. Mais il part peu après pour les croisades, et c'est son frère, le prince Jean, qui le remplace. Ce prince, un homme incapable, appauvrit encore davantage le royaume.

La misère, déjà grande sous le règne de Henri II, devient cruelle. Robin des Bois aide généreusement les pauvres de Nottingham. Et pour donner aux pauvres, il prend leur argent aux riches Normands et aux moines.

Christabel n'a pas revu son père depuis l'époque de son mariage avec Allan Clare car il ne lui a jamais pardonné. À la mort du baron, le château de Nottingham est devenu la propriété du prince Jean.

Deux ans après son départ, le roi Richard Cœur de Lion rentre en Angleterre. Le prince Jean, qui a peur de la colère de son frère, vient se réfugier dans le château de Nottingham. Richard, qui a appris la conduite honteuse de son frère, ne reste que trois jours à Londres et poursuit le prince Jean à Nottingham.

Le roi Richard se bat devant le château et, grâce à l'aide d'une troupe d'archers qu'il ne connaît pas, il obtient la victoire. Une fois dans le château, il demande à tous les hommes des renseignements sur les archers qui l'ont aidé, mais personne ne peut lui répondre.

Le nouveau shérif de Nottingham, qui a déjà dû payer un déjeuner dans la forêt, répond au roi que les archers sont les hommes du terrible Robin des Bois, ce proscrit qui tue les bêtes du roi et vole les voyageurs qui traversent la forêt.

Halbert Lindsay, le frère de lait de Maude, qui travaille au château, prend la défense de Robin.

- Sire, Robin des Bois est un honnête Saxon. Il vole les riches, c'est vrai, mais c'est pour soulager la misère des pauvres.

- Je serais enchanté de rencontrer ce proscrit qui m'a aidé. Demain, j'irai dans la forêt de Sherwood.

Dès le lendemain, le roi se rend dans la forêt, accompagné par un groupe de chevaliers et de soldats ; mais Robin ne se montre pas.

- Si vous désirez voir Robin, lui dit un garde forestier, habillez-vous en moine ; je vous conduirai jusqu'à lui.

Le roi s'habille en moine et, accompagné par quatre chevaliers, il suit le garde.

Robin des Bois, Petit-Jean et Will s'approchent du faux moine.

- Soyez le bienvenu dans la forêt, mon père. Je vous demande de venir en aide à la misère des pauvres gens qui sont nos amis.

- Je te donne tout l'argent que je possède en ce moment, quarante pièces d'or, dit-il en tendant un petit sac. Le roi, qui habite depuis quelques jours dans le château de Nottingham, a presque entièrement vidé mes poches. Sa Majesté te connaît un peu et m'a demandé de te saluer de sa part si je te rencontrais. Le roi Richard aime les hommes courageux et il veut remercier en personne ceux qui l'ont aidé à ouvrir les portes du château de Nottingham; il veut savoir aussi pourquoi ces hommes ont disparu après la bataille.

- J'aime tendrement le roi Richard, répond Robin. Si vous le voulez bien, buvons à sa santé.

Le chevalier Richard de la Plaine s'approche à ce moment du groupe et tressaille en voyant le roi qu'il reconnaît parfaitement.

- Robin, connais-tu le nom de celui qui porte le costume d'un moine ? lui demande sir Richard à voix basse. C'est Richard Cœur de Lion, notre roi !

Robin des Bois et sir Richard tombent à genoux.

- Lève-toi, Robin des Bois, répond le roi avec bonté, et dis-moi pourquoi toi et tes hommes vous m'avez aidé.

- Le prince Jean méritait votre punition et lorsque j'ai appris la présence de mon roi devant le château de Nottingham, je me suis placé sous ses ordres.

- Je te remercie, Robin, et je te rends, ainsi qu'à tous tes hommes, les droits et les privilèges d'un homme libre.

Robin met un genou à terre et baise respectueusement la main du roi Richard. Puis il se relève et sonne du cor.

- Mes compagnons, dit Robin à ses hommes, mettez tous un genou à terre et découvrez vos têtes; vous êtes en présence de notre roi bien-aimé, Richard Cœur de Lion.

Les proscrits obéissent à leur chef.

- Et maintenant, ajoute Robin, vous êtes libres par la grâce de Dieu et du noble roi Richard !